La poésie à fleur de mur…

@Mel et Kio

Délicat, sobre, élégant, – un brin japonisant serait-on presque tenté de dire – l’art de Mel et Kio nous offre un peu de quiétude dans nos quotidiens parfois affolants, souvent pressurisés, où les compteurs comptent, les horloges tournent et le temps file en un rien. Aux pinceaux de Mel se joint la prose de Kio dans des oeuvres où parole poétique et geste graphique dansent en harmonie, accompagne notre intimité et habille nos intérieurs. Un contre-point qui fait du bien. Une poésie au fil des murs. Rencontre avec le duo d’artistes Mel et Kio.

Le Magazine : Bonjour Mel, merci de répondre à nos questions. Le duo que vous formé avec Kio nous a beaucoup intrigué chez De La Cour Au Jardin. Votre art qui s’égrène sur les murs passe par un médium particulier : l’adhésif. Pouvez-vous revenir sur la genèse de Mel et Kio et de Poetic wall ?

Mel : Tout a commencé à la suite de recherches universitaires. On a initié un travail autour de l’appréhension du lieu et de l’intervention graphique dans l’environnement architectural. Originellement, toute la thématique découle de la myopie. Oui, je suis extrêmement myope et le myope voit mal ! Il doit travailler en très très grand ou de très près. Nous avons alors commencé à travailler dans les environnements architecturaux. J’ai testé différents matériaux pour essayer de m’amuser dans et avec les lieux. Et très vite, on a cherché des solutions qui puissent être à la fois hyper adaptables et reproductibles. Par exemple, j’ai travaillé pour un hôtelier qui me demandait d’intervenir dans des chambres. Et c’est vrai que faire 50 chambres tout au pinceau en un week-end, c’est assez compliqué. Donc, du coup, à tâtons, en observant aussi mon environnement, en remarquant ce qu’il y avait sur les vitrines des magasins, je me suis dit que l’adhésif pouvait être un outil intéressant. Hyper adaptable, plein de ressources inattendues et qui peut répondre à un procédé industriel. Il peut aussi être un vecteur d’expression. Donc, en 2006-2007 on s’est lancé. On a été parmi les trois premières boîtes en France à proposer des adhésifs muraux avant que ce soit à la mode. Et hop, c’était parti ! Depuis, l’adhésif a été complètement intégré comme un véritable vecteur d’expression par la déco et le design. C’est un outil décoratif simple et ludique. Une alternative au papier peint et à la peinture.

Graphiquement, qu’apporte l’adhésif ? Comment ça se matérialise ? 

C’est comme de la peinture au final ! Quand on a ça sur un mur, c’est assez étonnant. Une fois qu’il est correctement appliqué, on a vraiment l’impression que c’est peint. C’est très propre et ça dure dans le temps.

@Mel et Kio

Avec Poetic wall, vous éditez des stickers muraux et de la vitrophanie pour habiller nos intérieurs. Quel est le procédé de production d’un sticker ?

Je dessine tout à l’encre de Chine. Je calligraphie les textes de Kio au pinceau ou à la plume. Ensuite, contrairement aux industriels qui utilisent un système d’impression collé sur du papier, nous on découpe et on évide à la main de la peau d’adhésif. Il n’y a pas de machine pour faire ça. Par exemple, l’intérieur du « O » de « COUR », je dois l’évider à la main sur chaque pièce que je vais créer.

Vous fabriquez vous-mêmes vos adhésifs ? 

Oui. C’est justement parce qu’on ne trouvait personne pour fabriquer nos adhésifs que nous avons créé nos propres ateliers de fabrication. Quand c’est de l’impression basique, c’est une machine qui produit à la chaîne et on en parle plus. Notre approche est différente avec Kio, on évide et on découpe tout nous-mêmes à la main. 

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Votre particularité c’est aussi l’approche poétique de vos interventions… Chez De La Cour Au Jardin, nous avons été particulièrement touchés par ces mots, ces messages poétiques qui peuvent égayer, voire même apaiser nos intérieurs. On pourrait presque parler d' »art thérapeutique ».

Pour nous c’est ce regard artistique, graphique, textuel, poétique qui est intéressant. Dans notre relation avec Kio, je travaillais sur le monumental, sur le dépassement de l’espace brachial et Kio a une écriture très intime, une poésie liée à l’intimité. Il y a un contraste intéressant entre le macro et le micro dans cette relation entre le monumental (le mur) et l’intime. La poésie s’est imposée à nous parce que la parole poétique dans un environnement architectural permettait de trouver un juste équilibre entre l’intime et des mediums très expressifs comme l’adhésif. 

Dans votre duo, vous dessinez et Kio écrit. Qu’est-ce qui vous touche, qu’est-ce que vous aimez dans les messages de votre partenaire ? 

Ce n’est pas nécessairement le message en tant que tel qui me touche mais la manière d’amener le message, sa sonorité. Par exemple, je suis un grand fan d’allitération. J’adore les phrases gouleyantes à lire, à dire. J’aime cette délicatesse, cette sonorité, cette danse des mots de Kio. Elle provoque chez moi quelque chose de dansant. J’aime cette harmonie entre la lecture, la réaction qu’elle provoque et l’énergie du lieu qui va être porteur de cette parole poétique.

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Vous avez un joli catalogue, très poétique, élégant et apaisant. Vous travaillez à la commande ou vous avez un stock de produits prêts à être envoyés ?

On fait tout à la commande. Si vous passez sur le site, on a plusieurs types de compositions par catégories : des citations, des dessins, des choses pour les enfants… Mais tous les dessins sont de moi et les tous les textes sont de Kio. Nous proposons également des pièces de plus grandes tailles avec notre collection Les Murmures© qui représente une majorité de végétaux, des choses très très fines un peu en ombres chinoises. Des éléments qui suffisent à habiller élégamment une pièce. La prochaine fois que vous êtes invités à dîner, offrez à vos hôtes une fleur de mur !

Vous renouvelez régulièrement votre catalogue ?

Nous sommes vraiment sur de la collection donc on dessine, on écrit quand on en a envie. On édite, on publie, on prend le pouls du public. On conserve toujours cette approche ludique. Parce que c’est aussi ça qui intéresse nos clients : le fait de pouvoir changer régulièrement d’éléments sans que cela abîme le support sur lequel il est posé. 

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Avec Kio, vous travaillez également sur des échelles beaucoup plus importantes, sur et surtout dans des bâtiments. Quelle est votre approche des lieux que vous habillez ?

Nous travaillons vraiment sur-mesure. On part toujours du lieu qu’on nous confie. On va concevoir une œuvre dans sa relation sémantique avec le lieu. La signature graphique et textuelle que nous créons va s’adapter au lieu dans lequel on va l’insérer. Nous n’apporterons pas la même réponse à un hôtel qu’à un hôpital même si la signature restera la même.

Avec votre oeil d’artiste, que ressentez-vous quand vous découvrez un lieu ? Qu’est-ce qui vous interpelle ? 

Nous commençons toujours par proposer une lecture du lieu. Une intervention graphique se justifie d’abord par quelque chose qui est de l’ordre de l’identité, de l’identité murale. Mais il y aussi une forme d’incarnation du lieu. D’une certaine manière, sans que vous ayez à l’expliquer, le lieu incarne ce que vous êtes : vos valeurs, ce qui vous anime. Il « s’autonomise ». Et c’est vrai que proposer une lecture du lieu avec une intervention graphique aura aussi une incidence sur le déplacement dans l’espace. Si on propose un sens de lecture du lieu, je vais me déplacer dans l’espace d’une certaine façon parce que je vais le lire d’une certaine manière. En cela, nous faisons presque de la scénographie.

Qu’est-ce qui vous inspire lorsque vous intervenez sur un lieu ? Qu’est-ce que vous avez à l’esprit ?

Cela dépend vraiment de la demande et du lieu en question. Par exemple, on vient d’habiller une rue de 100m à Saint-Antoine et le projet était basé sur des ombres portées dans l’espace. On a fait correspondre des ombres à des dessins sur les murs à certaines heures de la journée. Le lieu, la parole de ce lieu et les gens qui vivent le lieu, voilà nos sources d’inspiration. On s’intéresse beaucoup à ce que les gens s’attendent à trouver. C’est comme si le lieu prenait déjà la parole, révélait quelque chose.

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Pouvez-vous nous partager un projet qui vous a particulièrement touché ?

Nous sommes intervenus pour le service de cancérologie pédiatrique de La Timone (Marseille). Là, vous avez des enfants qui n’ont pas le droit de sortir, qui vivent dans un environnement hyper anxiogène et vétuste. Et puis, il y a des salles dans lesquels on annonce à des parents que leurs enfants ont un cancer. Ça marque ça : la charge du lieu. C’est fort. On a alors travaillé avec les psychologues et les psychiatres de l’hôpital et on a eu l’idée de construire une réflexion autour de l’identité qui puisse parler aux tout petits comme aux ados. Nous avons donc développé l’histoire d’un lapin à qui on n’avait jamais dit que c’était un lapin. Du coup, si on ne vous dit pas qui vous êtes, vous pouvez bien être qui vous voulez. C’est intéressant pour l’enfant de s’interroger sur son autogenèse, sur sa manière de grandir, de se positionner par rapport à un monde qui l’entoure et dont il est paradoxalement éloigné. Cette histoire, on l’a pensé avec les enfants pour qu’elle leur soit signifiante, qu’elle témoigne de ce qui se vit dans ce lieu. Ça c’est super important ! Globalement, depuis 1 an, 1 an et demi, on remarque un véritable questionnement sur l’incidence que peut avoir l’environnement sur l’état mental et l’humeur des personnes qui y vivent. 

Vous employez les termes d’art mural et de design mural. Quelle est la différence entre les deux ?

Peut-être le côté fonctionnel. Dans l’idée, il y a une approche plus fonctionnelle dans la notion de design mural. Je parlais tout à l’heure de scénographie. Avec le design mural, il y a également une fonction à la création. Ça peut être de la signalétique, donner un sens de circulation ou simplement définir une identité. A contrario, il n’y a pas de véritable fonction à l’art. L’art mural c’est plutôt sa valeur expressive qui prime. On n’en fait pas si on n’a rien à dire. Dans l’absolu il est lié à la parole qu’on va pouvoir exprimer. 

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Quand on voit vos productions, on ne peut pas s’empêcher de penser au street art et au graffiti. Comment vous vous situez par rapport à ces mouvements ? 

Ce qui est intéressant par rapport au lien que vous faites c’est qu’aujourd’hui, en 2021, on associe toujours quelqu’un qui dessine sur les murs à un « street-artiste ». Mais non ce n’est pas pareil ! À l’inverse de l’art mural tel que je le conçois, le street-artiste développe une forme d’appropriation et donne une importance capitale à l’impact visuel. Les codes sont complètement différents. Quand j’interviens dans un lieu, si j’utilise les mêmes codifications d’impact fort, de trash, d’utilisation d’outils comme la bombe, je ne m’y retrouve pas. Je trouve ça hyper agressif. Nous notre problématique elle est vraiment liée à l’intimité. Ce qui m’importe c’est d’exprimer de l’intime dans du monumental alors que le street art fait entrer du monumental dans du monumental. L’approche philosophique est radicalement différente. Et puis, lorsque le street art est rentré dans les bâtiments, la « violence » et l’agressivité de ce trait a quelque peu relégué les autres types de fresques du côté de la décoration. 

Être mis dans une case, ça vous chagrine ? Il existe toujours ce hiatus entre « décoration » et « art »…

Avec Kio, on peut se heurter au regard de certains pour qui un procédé « industriel » comme le nôtre est moins artistique que celui de quelqu’un qui va prendre une bombe et peindre une fresque directement sur le mur. Les gens vont tout de suite se dire : « Wouah, il dessine bien lui ! ». Mais non, moi je dessine tout à l’encre de Chine avant d’utiliser des outils numériques pour passer à l’échelle. Notre démarche est tout autant artistique. 

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Comment vous composez entre l’artistique et la contrainte technique ? 

Je commence toujours à la table. D’abord je dessine. Je fais parfois des collages, des assemblages. Je photographie puis je redessine. Je fais tout à la main. Et puis interviennent ensuite des outils informatiques (ex : tablettes graphiques) qui sont adaptés à la manière de fabriquer. Ça aussi c’est une gageure. Nous avons des contraintes techniques fortes. Par exemple, si j’interviens sur un mur de 10m de haut, il faut garder à l’esprit que mon rouleau adhésif fait 1m20. Donc il faut réussir à concevoir un puzzle géant pour pouvoir reproduire mon idée initiale. Ces contraintes techniques et structurelles ont toujours une incidence sur la création. 

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Site internet : www.meletkio.com

Pour découvrir leur catalogue et passer commande : Poetic wall

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