La vie de château ou l’art de changer de vie – rencontre avec Corinne Dray, propriétaire du Château Latour Ségur
Le Magazine : Actuellement de nombreuses personnes aspirent à changer de vie, aller vivre à la campagne ou dans des petites villes, c’est un profond mouvement sociétal. Corinne, vous allez partager votre histoire avec nous, nous expliquer comment vous êtes arrivée au Château Latour Ségur au milieu des vignes, comment vous vous êtes intégrée dans l’Entre-Deux-Mers et quelle activité vous y avez déployée ?
Corinne Dray : Si vous le permettez, je commencerais par la fin : Aujourd’hui, mon mari et moi, nous avons réalisé un rêve, notre rêve, nous avons créé, en un même espace, un lieu de réception d’exception, proposant hébergement, SPA, piscine et activités. Un lieu capable d’accueillir des événements et de réunir les gens.
Nous cherchions un lieu plein de charme, isolé, mais pas trop, un lieu à proximité d’un aéroport, d’une gare, un lieu stratégique sur le plan touristique. Le village de Saint Emilion coche tout cela. Lové au sein d’une région unique par ses richesses gastronomiques, culturelles et bien sûr humaines, il attire tout naturellement des milliers de personnes venant du monde entier. Saint-Émilion est, pour moi et pour beaucoup d’autres, un mot magique. On s’y sent bien, en connexion avec la nature et en harmonie avec soi-même. Après avoir beaucoup voyagé et vécu dans différentes villes de France et à l’étranger, nous avons choisi de poser nos valises à Saint-Émilion, convaincus de son authenticité et de la qualité de son art de vivre, de bien vivre.
Comment avez-vous trouvé le Château Latour Ségur ?
C’est toute une histoire, une longue histoire. Au retour des Etats-Unis, nous avons vécu 4 ans à Aix-en-Provence et recherché une propriété qui alliait l’espace, la pierre la beauté et chargé d’une histoire C’est important, un lieu avec une histoire, du potentiel, et où l’on se sent bien, mais il y en a peu. Pendant ces 4 ans, nous avons sillonné Aix et sa région, à la recherche de lieux exceptionnels. À deux reprises, nous avons cru que la chance allait enfin nous sourire enfin, mais malheureusement, ces 2 biens étaient préemptés ! Il fallait recommencer ! Nous avons alors décidé de quitter la région et de nous tourner vers le très séduisant Sud-Ouest, où nous sommes maintenant depuis 15 ans.
Notre recherche s’est avérée plus difficile que prévue, nous avons d’abord ratissé l’Est et le Nord de Bordeaux, mais nous ne trouvions pas la perle rare, nous n’avions désespérément pas de coup de cœur. Et on ne peut pas créer un séjour privilégié où les clients se sentent bien et viennent avec plaisir, s’il n’y a pas ce quelque chose d’indéfinissable qui en fait le charme. C’est alors que nous avons décidé de choisir le secteur de Saint-Émilion, là assez rapidement, on nous a proposé le Château Latour Ségur qui n’avait pas de vignobles, et c’était l’une de nos conditions. Ce fut le coup de foudre et l’affaire s’est faite en 3 mois
Dans quel état était le château ?
Le château n’était évidemment pas à notre goût, mais on pouvait l’occuper, y vivre. En revanche autour, il y avait des entrepôts, un garage, il a donc fallu tout imaginer pour créer cet environnement que vous connaissez , qui est aujourd’hui le Château Latour Ségur avec les 5 Suites & son Spa de 150 m2 ainsi que sa piscine.
Et où avez-vous créé le SPA, dans les caves ou avez-vous dû creuser la roche ?
Nous avons dû creuser, parce que là, nous sommes dans une carrière. Les travaux ont été pharaoniques. Ils ont duré 5 ans, ce qui, vu leur ampleur, était finalement assez rapide. Rien que la création du SPA a pris 1 an et demi, il a fallu creuser, découvrir une partie de carrière et l’ouvrir parce qu’il n’était pas question de créer un SPA fermé. Dans cette partie extérieure, nous avons construit un amphithéâtre ainsi qu’une piscine pour le plus grand plaisir de nos clients. C’est devenu un cocon où il fait bon rêver en baignant, au milieu de palmiers, dans une atmosphère quelque peu exotique. À l’intérieur, nous avons créé 3 cabines de soins, une salle de balnéo, un hammam ainsi que des espaces de détente. Tout a été pensé pour que les clients puissent évoluer à leur guise, d’une activité à une autre, en complète harmonie avec la nature.
Quels sont les aménagements réalisés pendant ces 5 années de travaux pharaoniques dans le château ?
Le château est la propriété principale. C’est la partie où nous vivons et où nous avons installé cette école internationale et les chambres d’hôtes. Les chambres sont en fait des suites de 25 à 60 m2 aménagées comme de luxueux appartements privés : bain à remous pour 2, cuisine ou kitchenette selon leur taille, cheminée, jardin, mobilier élégant et literie Tempur qui conjugue confort et esthétisme. Des espaces d’exception, très confortables qui doivent suggérer à nos clients, « mais quel rêve, c’est encore mieux que chez nous ». Acheter un château à Saint-Émilion, c’était certes moins cher qu’à Aix-en-Provence mais nous devions tout de même rentabiliser rapidement notre investissement. Nous avons donc priorisé les travaux dans 3 suites, un chantier d’un an et demi et ensuite nous nous sommes attaqués au SPA, à la piscine, là encore pendant un an et demi. Et puis ce furent 6 mois de travaux pour la salle de réception qui avait suscité l’intérêt de Servier en 2010, il voulait y organiser une conférence. Après tous ces travaux, nous avons finalisé en 2012, la construction de deux autres suites pour satisfaire une demande plus large. Si notre activité pouvait démarrer, SPA inclus, nous n’en avions pas totalement fini des travaux. Nous nous sommes attaqués à la partie privée du château et à un dernier lieu essentiel dans l’esprit de réception qui nous anime la partie cuisine. La cuisine, c’est un lieu douillet où nous recevons les clients pour faire connaissance devant la cheminée ou prendre un apéritif. Dans la cuisine, les gens se sentent à l’aise, c’est « open », ils peuvent circuler comme s’ils étaient chez eux. On y vit de beaux moments de partage.
Comment s’est passée l’intégration, avez-vous été bien accueillis par les habitants de Saint-Émilion ?
J’ai toujours voyagé et considéré qu’il y a un temps d’adaptation et qu’il nous faudrait donc à peu près trois mois pour être en phase avec la culture, le lieu et les personnes et pour nous faire accepter. Mais d’un côté comme de l’autre, l’apprentissage n’a pas été immédiat, on s’est observé… J’ai, au départ, eu un peu de mal à comprendre leur mode de vie, ce sont des personnes réservées, un peu difficiles à toucher et qui ne vont pas immédiatement à votre rencontre. Ils attendaient de voir qui nous étions réellement. Quand ils nous ont accepté, les relations sont devenues faciles et nous avons pu déployer un beau réseau de connaissances, de clients et d’amis. J’aime beaucoup la mixité culturelle de cette région. Je ne suis pas bordelaise, mes racines sont ailleurs et pourtant mon envie de découvrir la région et de faire connaissance avec les personnes de la région est toujours aussi grande.
Votre parcours est riche, vous avez vécu aux États-Unis, à Grenoble, dans le sud-est, qu’est-ce qui vous a toujours poussé à changer de vie ?
La curiosité. J’adore les gens, les nouvelles expériences, j’adore remettre les compteurs à zéro, me faire un peu peur en fait, en démarrant une nouvelle vie. J’adore confronter mes compétences et mes valeurs à l’inconnu, aller vers les autres, me remettre en question …
Qu’est-ce qui fait qu’à un instant T, on décide de changer de vie et quelles sont les étapes parce que ça ne se fait sans doute pas en un claquement de doigts
D’abord, je n’étais pas seule, nous étions deux, avec mon mari. Et mon mari voyageait beaucoup déjà et j’étais toujours prête. C’est passionnant de passer par Grenoble, Lyon, l’Angleterre, la Hollande…je suis une aventurière, je ne cherche pas la sécurité en fait. Je veux avancer, je veux voir, je veux découvrir. J’aime prendre un sac et partir, tout ce qui est matériel m’importe peu, ce qui compte c’est la découverte de l’autre, l’expérience qu’on peut avoir avec d’autres personnes dans d’autres lieux. Même si quand on part, on a toujours un peu peur au ventre. Ce n’est pas facile de quitter ses amis, quitter sa maison, sa voiture, son boulot, tout quitter ! Et ce qui nous attend peut nous angoisser. Mais en 3/6 mois, on s’adapte et puis c’est parti, on retrouve un nouvel équilibre. À un peu plus de 60 ans, je suis heureuse d’avoir vécu tout ce que j’ai vécu, d’avoir rencontré tous les gens que j’ai rencontrés et puis de me dire encore aujourd’hui que demain je peux recommencer une nouvelle vie et que je suis capable de partir.
Nous aimons votre bienveillance et votre accueil, nous avons en commun la curiosité et la séduction, que pouvez-vous conseiller à nos clients, aux personnes qui vont découvrir la région de Saint-Émilion, à tous ceux qui ont envie de déposer un peu les armes, de souffler chez vous en cette fin d’année ?
Des plaisirs simples : nos habitués ont déjà compris que quand ils viennent chez nous en fin d’année, ils trouvent une suite pleine de confort, un beau feu dans la cheminée et des balades en pleine nature. Au programme : un bon petit-déjeuner suivi de 2 ou 3 soins quotidiens, puis le déjeuner, une petite sieste s’ils veulent et puis une visite à St Emilion ou Bordeaux. Quand on vient chez nous, c’est pour se faire plaisir. Comme j’arrive à comprendre les besoins de chacun, je peux leur offrir une expérience absolument fabuleuse où ils n’auront à se préoccuper d’aucune organisation. Leur seule mission, ce sera de bien vivre, se laisser faire, partager avec nous des moments devant la cheminée, se balader, déguster du vin, aller manger dans un bon restaurant. C’est simple la vie, il faut juste avoir envie de se faire plaisir.
Nous accompagnons régulièrement des gens en recherche de changement de vie, en leur vendant par exemple des lieux qui sont amenés à devenir des chambres d’hôtes, vous avez souvent « changé de vie », avez-vous été confrontée à des échecs, à des difficultés particulières ?
Il faut définir le mot échec, il n’y a pas d’échecs dans la vie, ce sont des expériences et si on faisait les choses parfaitement bien dès la 1re fois, ça serait un peu ennuyeux. Alors il faut des échecs, il faut des expériences pour mieux faire. Parce qu’il faut mûrir, il y a certaines choses qu’on ne peut faire qu’à un certain âge. Ma vie a été semée d’expériences diverses, on me disait souvent : tu es étrange, en fait tu n’adaptes à rien et à tout, mais au fond de moi-même, j’avais le sentiment que ce serait un jour utile à quelque chose. Je me suis essayée à des domaines totalement différents et un jour, j’ai compris que tout était connecté. Et de toute façon si on veut changer les choses, il faut s’en donner les moyens, il faut y aller, il faut viser haut, très haut, peut-être n’y arrivera-t-on pas à 30 ans mais a 40 ans, on va y arriver, à 50 ans, on ira encore plus haut et puis à 60, on se dit, c’est super tout ce que j’ai fait. Et il ne faut surtout pas trop écouter les gens autour de soi, les conseilleurs ne sont pas les payeurs. Si j’avais écouté ce qu’on m’avait dit, je n’aurais certainement rien fait dans ma vie, il faut être un peu fou il faut y aller, il faut écouter ses ambitions, son cœur, son ventre et ses émotions. Il faut les écouter et il faut y aller. Ainsi, nous serons plus forts et autour de nous, les gens qui nous disaient, tu ne vas pas faire ça, reviennent vers nous en nous créditant d’un : c’est incroyable ce que tu as fait !
Vous êtes très inspirante, le naturel qui émane de vous donne envie et confiance à ceux qui hésitent, dites-nous en conclusion, c’est quoi pour vous l’art de vivre ?
L’art de vivre, c’est un verre de bon vin rouge devant la cheminée avec mes animaux ! J’aime encore beaucoup le Bourgogne mais maintenant je suis devenue très pomerol.
Château Latour Ségur & Spa TerreHappy
Pour dormir : chambredhotesaintemilion.fr
Pour se détendre au spa : spaterrehappy.fr
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