Le pique-nique à travers la peinture

Au début du printemps, quand le soleil pointe le bout de son nez, c’est imparable, une foule de badauds en goguette se presse dans les parcs, jardins et bosquets. Dans les grandes villes effervescentes, par grappes, les citadins improvisent de-ci de-là apéros, parties de molkky et surtout… pique-niques ! Mais ce besoin de se reconnecter physiquement à la nature – le postérieur ou le flanc caressant l’herbe fraîche – ne date pas d’hier. Aussi loin qu’il nous en souvienne, l’humanité a sans doute toujours apprécié cette douce quiétude de repas partagés à l’ombre des arbres. Les peintres, en tout cas, ont su croquer ces moments volatiles.

Le déjeuner sur l’herbe, Edouard Manet (1863)

« Couvrez ce sein que je ne saurais voir » ! Quelle débauche, quel scandale, quel bruit fit ce tableau d’Edouard Manet lorsqu’il le présenta au Salon des Refusés – lieu qui accueillait alors toutes les peintures mises au ban de l’académisme – en 1863. Rendez-vous compte, une femme totalement nue. Une Eve impudique qui toise le spectateur tandis que deux hommes devisent indifférents. Il n’en fallait pas plus pour susciter l’émoi du tout Paris de l’époque.

Notre impudique s’appelle Victorine et – derechef – , ce qui nous interpelle, c’est son regard franc, décomplexé dans lequel on décèle une pointe de malice, un soupçon d’impertinence. Les imperfections de son corps, ne collent pas avec les canons de la peinture de l’époque. Nous avons là une « nymphe » dévoyée et provocante pour ses contemporains.

Heureusement, le temps et quelques esprits éclairés font leur oeuvre. En juge de paix, Zola lui-même réhabilite la toile : « Bon Dieu ! quelle indécence : une femme sans le moindre voile entre deux hommes habillés, mais quelle peste se dirent les gens à cette époque ! Le peuple se fit une image d’Édouard Manet comme voyeur. Cela ne s’était jamais vu. Et cette croyance était une grossière erreur, car il y a au musée du Louvre plus de cinquante tableaux dans lesquels se trouvent mêlés des personnages habillés et des personnages nus. Mais personne ne va chercher à se scandaliser au musée du Louvre. », écrit-il en 1867. Aujourd’hui, il ne fait plus de doute que nous tenons là un des plus grands chefs-d’oeuvre de la peinture impressionniste.

Où le voir : Musée d’Orsay


Le déjeuner sur l’herbe, Claude Monet (1865)

Découpé en trois parties, le tableau de Monet est également un monument de l’impressionnisme français. Une nappe blanche posée sur l’herbe, quelques victuailles, un bouquet de fleurs fraîchement cueillies, des sujets détendus… Un vrai pique-nique en somme !

On notera la présence d’un autre peintre célèbre sur cette composition : Gustave Courbet et sa jolie moustache en guidon.

Où le voir : Musée d’Orsay


Le pique-nique, James Tissot (1876)

Né à Nantes en 1836, Tissot quitte la France pour la « perfide Albion » à 35 ans. Il s’installe alors à Londres et peindra cette oeuvre bucolique également connue sous le nom de Holyday. Les teintes vives, le soin porté au mouvement, les plis des vêtements et les reflets de l’eau… Le peintre excelle et nous livre une oeuvre de choix.

Une composition très réaliste qui dépeint une approche très indolente du pique-nique. On est en fin de repas. Une femme sert du thé à l’homme négligemment étendu sur le sol. Une scène très bourgeoise qui transpire une certaine quiétude, une forme de « langueur monotone » comme dirait le poète.

Où le voir : Tate Museum


Variations du Déjeuner sur l’herbe, Pablo Picasso (1954-1970)

L’intérêt de Picasso pour Le déjeuner sur l’herbe de Manet est un euphémisme. On pourrait presque parler d’obsession, au regard de cette décennie passée à peindre et repeindre de multiples études et variations du tableau originel.

Pourtant, rien ne le prédestinait à s’emparer ainsi de l’oeuvre de Manet. Bien au contraire, il semblait même éprouver de la crainte à l’idée de s’attaquer à ce monument de la peinture impressionniste. « Quand je vois le déjeuner sur l’herbe de Manet je me dis des douleurs pour plus tard.« , écrit-il en 1932.

Mais le tableau marque si profondément son esprit qu’il réalisera entre 1954 et 1970 plus de 20 versions de son Déjeuner. Il instaure ainsi un dialogue avec Manet – se jouant des contraintes toutes relatives de l’espace et du temps – entre tradition et modernité.


Le déjeuner des canotiers, Auguste Renoir (1881)

C’est un autre monument de l’impressionnisme français qui nous offre cette huile sur toile remarquable : Renoir ! Comme un air de guinguette pour ce tableau réalisé à Chatou dans les Yvelines. Renoir peint ce tableau lors de ses séjours à la Maison-Fournaise, aujourd’hui Musée-Fournaise. Une scène de la vie quotidienne dans laquelle il met en scène ses propres amis. On reconnaîtra d’ailleurs le peintre Gustave Caillebotte, – célèbre notamment pour ses Raboteurs de parquet -, au premier plan à droite.

Où le voir : The Phillips Collection


Le déjeuner sur l’herbe, Alain Jacquet (1964)

Un autre artiste français qui revisite le thème du pique-nique en 1964. Ici, on est en plein pop art et Alain Jacquet déploie son art de la sérigraphie (technique d’imprimerie à pochoirs) pour composer cette oeuvre à la fois sombre et acidulée. Un client d’œil à Manet et un instantané d’une époque débridée.

Bon pour le pique-nique, on repassera. Pas grand chose à se mettre sous la dent !


Le Invités sur l’herbe, Herman Braun-Vega (1970)

Drôle de toile peinte par Herman Braun-Vega ! L’artiste franco-péruvien s’inscrit dans la mouvance de la nouvelle figuration. Drôle de face-à-face entre cette famille entièrement nue se délectant de fruits et cette jeune fille dont la pudeur est ravivée par la présence de ce chien qui semble la protéger. On notera la référence aux Ménines de Vélasquez dans cette figure à la robe si caractéristique.


Le déjeuner sur l’herbe: les trois femmes noires, Mickalene Thomas (2010)

Iconoclaste, l’oeuvre de Mickalene Thomas l’est assurément. La peintre et photographe américaine a souhaité s’emparer de l’oeuvre de Manet pour en faire une ode à la femme noire. À l’inverse de Manet, dont le sujet féminin est nu et éthéré, l’oeuvre de Thomas présente trois femmes drapées de couleurs vives, fortes et fières. Un tableau féministe ?


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Le Magazine De La Cour Au Jardin

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