Les fleurs dans nos assiettes, retour d’une tradition ancestrale

Cette semaine, la « rédaction » de De La Cour Au Jardin est partie à la rencontre d’une cultivatrice de fleurs. Mais ces fleurs, elle ne les vend pas en bouquets ou en onguents, non ses fleurs sont destinées à nos tables, à nos papilles alertes, à nos appétits voraces. En écoutant Nathalie Kuhn parler de son jardin, c’est toute une poésie pastorale qui nous étreint. Avec une grande délicatesse, dans la chaleur de son accent chantant, celle qui se définit comme une « paysanne-herboriste » nous compte le récit de sa reconversion, de sa passion des fleurs et de toute la biodiversité qu’elles charrient dans leur sillage. 

Bonjour Nathalie, quel est votre histoire ? Votre parcours ?

Nathalie Kuhn : A l’origine, je suis juriste. J’ai travaillé durant 27 dans l’administration des douanes, jusqu’à la Covid. Comme beaucoup, ça m’a amené à me poser des questions sur mon activité, sur la perte de sens que je ressentais. J’avais envie d’un retour à la terre. Mon père est agriculteur donc finalement j’aspirais un peu à un retour aux sources. En ce sens, la Covid m’a permis de sauter le pas. C’était le moment ou jamais.

Et vous vous êtes donc reconvertie dans les plantes et plus particulièrement les fleurs comestibles…

NK : Oui, j’ai opéré une reconversion professionnelle. J’ai fait 6 mois de formation  à la Maison Familiale Rurale de l’Entre-Deux-Mers (MFR) de La Sauve, suivis de 12 semaines de stage pratique dans des entreprises. Aujourd’hui, ma nouvelle activité pourrait se qualifier ainsi : « paysanne-herboriste ». Officiellement, le terme d’herboriste est uniquement réservé aux pharmaciens parce que nous n’avons simplement pas le droit de promouvoir les bienfaits des plantes, ça ne fait pas parti de notre scope de compétences. Mais l’herboristerie reste notre cœur de métier et comme je cultive, je préfère donc le terme de « paysanne-herboriste ».

Qu’est-ce qui a déclenché cette envie de développer une activité aussi atypique ?

NK : J’ai été élevé dans une ferme et j’ai toujours eu la passion des fleurs. Ça fait 25 ans que je vis dans un jardin, entourée de fleurs. J’y passais déjà beaucoup de temps. La problématique qui se posait à moi était de savoir comment on pouvait vivre de cette nouvelle activité. Est-ce que mon hobby pouvait devenir professionnel ? Et grâce à la formation de la MFR, j’ai pu concrétiser cette envie profonde. 

Vous aviez déjà l’espace nécessaire pour vous lancer mais peut-on vivre de la vente de fleurs comestibles ? 

NK : C’est vrai que ce n’est pas évident. Si vous souhaitez lancer votre activité mais que vous ne disposez pas de foncier pour le faire, vous allez devoir vous endetter pour en acquérir et là ça risque d’être compliqué.  De mon côté, je n’avais pas ce problème.  Mon enjeu à l’issue de ma formation c’était surtout de me positionner… Est-ce que j’allais vers des tisanes, des alcoolatures (macérations d’alcool et de plantes à but thérapeutique) ou des fleurs comestibles. Et rapidement, je me suis dit que mettre les fleurs dans l’assiette serait une belle manière de les rendre accessibles à tous.

Et l’aventure Terra de Flor était née… Comment s’est passée votre installation ?

NK : La première année a été magnifique ! J’ai eu une production superbe. Je n’aurais pas pu espérer mieux pour commencer. Ensuite, au niveau de la commercialisation, le problème de notre profession c’est qu’il faut savoir tout faire. J’ai plus la fibre paysanne que commerciale mais j’ai tout de même pu démarcher des restaurateurs à Saint-Émilion. J’ai été très bien accueillie notamment par le restaurant Le Jardin qui m’a commandé des fleurs tout l’été.

Justement, quelles fleurs cultivez-vous ? Et quelles sont les particularités gustatives des différentes variétés ? 

NK : Je cultive de la capucine, de la bourrache, du calendula, de la mauve, de la guimauve, des bleuets, des œillets d’Inde… Souvent les gens n’ont pas idée de tout ce qu’on peut faire avec des fleurs. Certaines peuvent décorer des fromages ou des chocolats tout en leur apportant des notes particulières. J’ai d’ailleurs commencé à travailler avec une fromagère du côté de Créon (Gironde). D’un point de vue gustatif, elles n’ont pas toutes les mêmes propriétés. Par exemple, la capucine va être assez pimentée quand les œillets d’Inde vont développer plus d’amertume. Après, on peut aussi jouer sur les textures en cuisine. La mauve, gustativement assez neutre, va se démarquer par sa texture très douce, comme de la soie. Bref, la fleur éveille les sens : la vue comme le goût ou le toucher.

La fleur comestible peut se déguster sous différentes formes : fraîche, séchée, infusée… Quels produits proposez-vous ?

NK : Évidemment de la fleur fraîche mais c’est compliqué parce qu’elles ont une durée de vie limitée. A peine cueillies, elles doivent être livrées et consommées… Pour pallier cela, je propose également des fleurs séchées notamment pour des tisanes maison. Et en préparation pour cette année : de l’eau de rose et des confitures de fleur. J’ai commencé les tests avec de la capucine et du cosmos qui sont très prometteurs…

Vous les mélangez avec des fruits ? 

NK : Non, on est sur de la fleur pure. Donc au final ça ressemble plus à une gelée. Ça se fait déjà avec de la rose mais je n’en avais jamais vu avec d’autres fleurs. La production va rester assez confidentielle dans un premier temps. 

Avant de devenir votre métier, jardiner c’était votre passion… Comment travaillez-vous ?

NK : Déjà toute ma production est bio. Avant de lancer mon activité, mon terrain n’avait servi qu’à des chevaux pendant une vingtaine d’années donc j’ai eu la chance d’être labellisée immédiatement. Ensuite, pour cultiver, je prépare mon terrain avec des engrais verts, en l’occurrence du trèfle incarnat et de l’avoine. Avec ses racines profondes, l’avoine va permettre de décompacter et aérer la terre. Ça va être bénéfique pour les fleurs. 

Et vous n’avez rencontré aucun problème ? Aucun nuisible ou autre ?

NK : Non, je n’utilise aucun produit chimique et un équilibre s’est naturellement créé sur mon terrain. Par exemple, j’ai eu des pucerons mais les coccinelles s’en sont chargées. C’était d’ailleurs mon premier objectif en m’installant : ramener de la biodiversité sur le territoire. Nous sommes sur un plateau de vignes et, bien que les choses s’arrangent depuis quelques années, il y a encore beaucoup de pesticides dans la région. Je voulais attirer des insectes et des oiseaux, créer un espace protégé…

papillon posé sur une fleur

Vous travaillez également de la fleur sauvage ?

NK : Ça peut m’arriver oui mais c’est très rare. Il faut avoir le temps de partir en « chasse » de fleurs. L’année dernière j’ai pu cueillir de l’aubépine et du sureau pour mes tisanes. 

Est-ce qu’on peut planter des fleurs pour sa consommation personnelle ? 

NK : Bien sûr ! Je serais ravi si les gens s’emparaient des fleurs pour les manger. Même en ville vous pouvez le faire. Il vous suffit d’une jardinière et d’un peu de soleil. Bien sûr, il faut veiller à ne mettre aucun produit chimique dans la terre. Un bon terreau et de l’eau propre suffiront. Un conseil tout de même : vérifiez que la fleur que vous souhaitez planter est bien comestible avant !

Qu’est-ce qui vous plaît tant dans ces fleurs que l’on déguste ? 

NK : Je suis persuadée que, comme le vin, les fleurs témoignent d’un terroir. Elles sont le fruit de la terre qui les voit éclore. Une même fleur n’aura pas le même goût ici en Gironde qu’en Alsace. Et puis, pour moi, on opère un retour aux sources en remettant des fleurs dans notre assiette. Je me souviens qu’au temps de ma grand-mère, c’était fréquent de ramasser des fleurs sauvages – notamment le pissenlit – pour les consommer. On a malheureusement un peu perdu cet héritage et j’essaye de le réhabiliter.

On sent que la transmission est une valeur importante pour vous…

NK : Bien sûr. C’est aussi pour ça que je prévois d’organiser des visites du jardin avec des dégustations et des apéritifs fleuris. Et puis, j’aimerais également transmettre ces valeurs aux enfants.

A chacun de nos invités, nous posons la même question et vous ne dérogerez pas à la règle Nathalie : quelle est votre définition de l’art de vivre ? 

NK : Être en harmonie. En harmonie avec mon environnement, avec la nature, avec moi-même. L’art de vivre c’est un équilibre. 

Et si vous étiez une fleur ? 

NK : La rose ! Plus exactement, la rose de Damas. Elle sent très très bon mais elle a une particularité, c’est qu’elle n’est pas « remontante ». Elle ne fleurit qu’une fois. Mais ce qui est éphémère est beau.

  


Terra de Flor

Fleurs comestibles

Adresse : 3 Rebullide, 33420 Guillac (Nouvelle-Aquitaine)

Mail : terradeflor@yahoo.com

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Le Magazine De La Cour Au Jardin

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