Odile Decq, l’électron libre de l’architecture

Odile Decq ne passe pas inaperçu. Outre son look « gothique » qui détonne dans le monde parfois feutré de l’architecture, l’architecte et designer a une approche (en apparence) peu cartésienne de sa profession. Des croquis ? Très peu pour elle. Elle laisse cela à ses collaborateurs. Non, ce qui anime Odile c’est de raconter des histoires. C’est dans les ramifications touffues de son cortex cérébrale qu’elle imagine, construit, tisse, scelle, récrit l’histoire qui sortira de terre. Odile Decq est une intuitive.

Diplômée en 1978, elle fait ses armes avec son compagnon Benoît Cornette dans les années 1980. Leur tandem fonctionne à merveille, leur travail est distingué du prestigieux Lion d’or de la biennale de Venise en 1996, jusqu’à la tragique disparition de Benoît Cornette en 1998. C’est alors seule qu’elle prend les rênes de leur agence ODBC. Et avec quel talent !

En rouge et noir
La décennie 2010 annonce des années fastes : le pavillon Greenland (Shanghai – 2007) ; l’extension-rénovation du MACRO (Musée d’art contemporain de Rome – 2010) ; le PHANTOM (Restaurant du Palais Garnier – 2011) ; le FRAC Bretagne (Fonds Régional d’Art Contemporain – 2012).

Ses couleurs totems, le rouge et le noir, se retrouvent dans la plupart de ses réalisations. Au CARGO, – cet incubateur de startup parisien avec ces plateformes et ces modules qui évoquent un sous-marin -, au MACRO, au FRAC ou bien encore dans le restaurant du Palais Garnier, le rouge polarise l’attention. Il resserre ou distend la scénographie des édifices autour de ces points chauds qui rythment les espaces. Le rouge y est un choeur.


Selon elle, l’architecture est une matière poreuse. À la manière d’une éponge, elle absorbe et s’enrichit de ce qui l’entoure. « Lorsque vous marchez dans la rue, lorsque vous mangez, lorsque vous voyagez ou écoutez de la musique, tout vous nourrit pour vos projets. », confesse-t-elle à l’occasion d’un entretien acocordé à un journal d’étudiants en arts.
L’imagination contre les carcans
Parce qu’Odile Decq est également dans la transmission. D’abord enseignante pour de nombreuses écoles, elle fonde sa propre école en 2014 à Lyon Confluence Institute for Innovation and Creative Strategies in Architecture. Pour autant, elle refuse la posture de « grand sachant » qui dispenserait ses leçons aux élèves. Personne n’est dépositaire du savoir absolu. Selon elle, « le professeur n’a pas à apprendre à l’élève, il est là pour l’aider à découvrir qui il est ». Le professeur doit être là pour transmettre, insuffler sa passion et aiguiser la curiosité du jeune architecte. Il ne doit pas saper sa créativité en l’enfermant dans des schémas de pensées préconçues. Pour Odile Decq, le péril de l’architecture c’est le conformisme.

Disruptive, Odile Decq l’est assurément. Elle témoigne une grande sympathie pour les logements des années 1960 « simples et lumineux » comparés aux haussmaniens « étriqués et insupportables ». Elle ne veut pas voir Paris sanctuarisée, « muséifiée » comme une momie. A contre-courant des programmes de conservation, elle aimerait « qu’on enlève des morceaux de Paris » afin de réécrire la ville et préparer demain.
Anticonformiste, poétique et rebelle… en un mot LIBRE !

