Rococo et ses pères

Contrairement à ce que ses sonorités méridionales laissent entendre, le rococo n’est pas italien mais bel et bien français. Cocorirococo ! Le style apparaît au début du XVIIIème siècle et doit son nom à la contraction des mots « rocaille » et « barroco » (baroque en portugais, son lointain cousin). Mais attention, il n’y a pas vraiment d’architecture rococo en tant que tel. Le rococo est plus un style d’aménagement intérieur qui prend le contre-point du style classique, jugé trop rigide et formel, qui caractérisait le règne de Louis XIV. Une poignées d’architectes vont théoriser et faire évoluer ce style qui marquera profondément leur siècle.

Impulsé par Pierre Lepautre, architecte aux Ateliers royaux, le style rocaille fait rapidement recette auprès de l’aristocratie grâce à son effet de « parallaxe artificielle ». Grâce au recours de miroirs ou de colonnades classiques, le salon rococo n’est plus encadré par des murs, il joue sur une forme de trompe-l’oeil qui donne le sentiment qu’il s’affranchit de la notion d’espace. Le salon de style rocaille est « une succession d’arcades ouvertes à travers lesquelles des espaces architecturaux se déployaient en une suite parallactique infinie qui dépasse le cadre de la pièce« , résume Peter Collins (architecte et critique).

D’une décoration « à plat », Lepautre passe à une décoration en relief. Bois sculpté, miroirs, voussures, rosaces, l’architecte cherche à imprimer un rythme visuel aux espaces. Antoine Vassé et Gilles-Marie Oppenord vont ensuite enrichir le style avec l’ajout d’arabesques et une asymétrie mesurée. La Galerie dorée de l’hôtel de Toulouse (1719) ou le Palais national de Queluz (1752, Portugal) en sont des exemples magistraux.

Le rococo flamboyant

A partir des années 1730, le style rocaille bascule dans une seconde phase : celle dite du genre pittoresque. Sculpteurs, orfèvres et décorateurs comme Nicolas Pineau ou Juste-Aurèle Meissonnier, apportent des éléments asymétriques forts ainsi que des motifs exotiques. Le rococo atteint alors les sommets du flamboyant et se fait de nouveaux ennemis. Certains, comme Jean-François Blondel, architecte et théoricien, moquent ouvertement ce style « foutraque » composé de « ridicule fouillis de coquillages, dragons, oiseaux, palmiers et feuillages« .

Pourtant, il y a une vraie recherche dans le style rocaille. Germain Boffrand, architecte civil, introduit des formes courbes afin d’estomper les structures. Il cherche à rendre flous les points de rencontre entre murs et plafonds comme on peut le voir dans les enfilades de pièces de son hôtel de Soubise (1740).

A partir des années 1740, le rococo s’exporte en Europe. Si tous les pays ne sont pas séduits par ce style particulier, il est adopté au Portugal, dans le nord de l’Italie et dans le Saint-Empire romain germanique. Pourtant, avec l’avènement du néoclassicisme dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, le rococo recule en France jusqu’à disparaître quasi totalement à partir des années 1760. Il en restera néanmoins des intérieurs bucoliques, des salons fantaisistes, des pièces parfaitement ouvragées… le témoignage d’une geste architecturale fugace mais pas tout à fait futile.